Emilienne Farny
Commentaires de presse
ARTPASSIONS no74
Article paru dans LE TEMPS du 12 septembre 2023
Article paru dans LE COURRIER du 11 septembre 2023
Article paru dans le 24 Heures du 7 septembre 2023
Article Magazine "Connaissance des Arts" sur l'exposition Festival du Dessin d'Arles (F)
Article de Florence Millioud 24heures du 25.04.23 - Festival du Dessin d'Arles (F)
Article de Florence Millioud-Henriques - 24 heures
17 .05. 2017
L’actualisme élégant et serein de ses couleurs, de sa mise en page et du rapport glacé et distant de ses sujets trahit le besoin de faire coïncider la vérité provisoire de sa vie avec une vérité toujours différée, toujours plus reculée devant elle, et qui n’est autre qu’un abandon total à une pensée et à une réalité beaucoup plus grandes qu’elle. Son utopie à elle consiste à vouloir capter un monde qui lui est étranger dans un filet dont elle aurait noué une à une toutes les mailles. Rien, sans doute, ne l’en fera démordre, jusqu’au jour où elle comprendra que ce qu’elle cherche vraiment, c’est de s’oublier et de se perdre dans une vision quotidienne des choses qui seront tout le contraire de ce qu’elle croit attendre et de ce qu’elle croit aimer.
Alain Jouffroy, Lettre à Emilienne, mars 1969
La standardisation de ces tableaux vous agacera tout d’abord. Quel système, quelle représentation! Or quoi bizarrement, tout à coup? Vous sentez votre cœur battre! et votre sang gonfler vos veines en tous les endroits de votre corps! Et votre chair comme tuméfiée du dedans! et vos os semés de feu! et tout cela, vous commencez à l’entendre! Et devant ces paysages flics alignés, toutes les rumeurs qui vous parcourent finiront par se résoudre en une espèce de cri qui vous fendra la gorge.
Christophe Gallaz, Un cri suisse, 1987
La peinture d’Emilienne Farny aborde le réel de dos, pour mieux exprimer la fragilité d’un univers sans histoire, d’une tragédie sans destin, d’une catastrophe sans grandeur. Ce n’est pas l’homme face à Dieu, mais l’homme endossant sa condition, assumant son insignifiance. La vraie grandeur est ailleurs, et elle est pourtant là, semblent dire ces personnages qui regardent au loin, ont l’air de fuir, mais qui en même temps affirment une présence entre folie et jouissance. Ce qui frappe chez Emilienne Farny, c’est cette sensibilité du refus. Ses tableaux, tout à la fois immatures et sevrés, chastes et iconoclastes, sont d’une douceur terroriste. On croit les caresser du regard, ils envoient des éclats d’angoisse. La beauté, nous le savons désormais, est le commencement de la terreur…
Linda Lê, 1989
Les personnages qu’elle peint, on les croit dépositaires d’un secret: ils ressentent l’inconvénient d’être nés, ils en ont «plein le dos» de l’existence, mais une seule pensée les guide: tant qu’on a la possibilité de tourner le dos, au monde et aux hommes, la vie reste vivable. D’une attitude ironique, polémique, Emilienne Farny est arrivée à cette forme suprême de la sagesse: l’humour. Naguère, elle tenait les choses à distance: désormais, elle est de connivence avec ce qu’elle peint. Cette peinture élude l’émotion du visage et du geste. L’homme y marque sa présence par un refus, une esquive : le dos est ce qu’il y a de plus humain en l’homme. A-t-on jamais envie de représenter Dieu vu de dos?
Roland Jaccard, L’éthique protestante, 1989
Il n’est pas facile de s’amputer des charmes du monde: Emilienne les sacrifie, dénude, nettoie, arase, pour ne garder de ce monde que ce qui la blesse, que ce qui la révolte, que son apparence délétère, coupable, injustifiable. Elle dit la peau bien policée du monde, qui n’est qu’un leurre, pour dénoncer ce qui va mal sous cette peau trop décente et pour tirer de cette expérience une leçon métaphysique accablante (…). C’est un art volontaire et voluptueux de son autopunition, un art qui se donne impitoyablement la discipline comme Thérèse d’Avila dans son cachot, et le sacrifice aboutit à cette peinture appliquée – comme on applique une gifle. Une gifle à sa propre entreprise, à l’art et à l’histoire de l’art, et bien sûr au spectateur de ces insolences qui sort de là, je l’ai observé, bien déstabilisé et ahuri.
Jacques Chessex, Emilienne ou les malheurs de la vertu, 1989
Dans le sillage de Roy Lichtenstein citant dans ses tableaux des œuvres déjà célèbres afin de construire un discours critique sur la peinture, Emilienne Farny – en virtuose d'une linguistique picturale – annihile à son tour, de ses aplats d'acrylique, toute trace matérielle de son propre pinceau pour mieux laisser s'exprimer le signe précurseur du sens. Peindre le signe, c'est montrer le sens caché, pour ne pas dire refoulé. Ainsi, comme pour mieux signifier, cadre-t-elle volontiers sur des sujets eux-mêmes "signes" au sens commun. Elle se concentre sur des détails de la signalétique urbaine: panneaux de direction, marquages au sol ou même sur des graffiti, ces derniers étant certainement la plus immédiate expression visuelle de notre pensée "idéologique". Dans tous les cas, l'artiste joue un rôle de catalyseur : elle révèle un sens à partir de l'apparente banalité.
Julien Goumaz, E.F., peintre du présent, 2008
«La peinture, avait confié Emilienne Farny avant de venir à son exposition à la Fondation Gianadda, ça me sauve la vie. ça me sauve de la vie atrocement compliquée. On vit une époque terrible. Il y a quelque chose de pesant, d'oppressant, non?» Refusant l'aveuglement collectif, intègre et sagace, Emilienne Farny avait donc fait le choix de la résistance par l'art. Son trait, plaqué sur la toile avec une minutie clinique, ses plages de grisailles urbaines, ses aplats de couleurs vives désertés par l'homme ou ses champs de colza tirés au cordeau, on les a lus hyperréalistes, sociologiques ou encore criant de réalisme critique. Mais il faut les saisir comme un regard donnant à voir, comme un constat. «Je ne veux pas changer le monde. Si ça choque, commentait-elle, c'est juste qu'on a oublié de regarder autour de soi.»
Florence Millioud Henriques, Emilienne Farny donnait à voir le présent, 2014
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