Emilienne Farny
Les assemblages
Depuis l’enfance, Emilienne Farny a recueilli des éléments naturels, cailloux, éponges, bois flottés, etc., dont elle a fait collection, pour le plaisir de les observer et de les manipuler. Dans les années 2000, elle a passé de la contemplation à la création, et elle a puisé dans son stock pour confectionner des têtes, des maisons, des sols, des bateaux, etc. – cela parallèlement à son activité de peintre. Elle explique ainsi le contraste surprenant entre ces assemblages et ce qu’on connaît de sa peinture:
«J’avais une tante que je chérissais du plus loin de mon enfance. Je me souviens de longues balades en forêt, au bord de lacs, dans les pâturages, partout où il était possible de rôder. Nous ramenions toujours de beaux cailloux, des bois polis, des petits fruits, etc. Nous en parlions, nous nous émerveillions de chaque trouvaille, de chaque sous-bois, de chaque clairière, de chaque brin d’herbe… Cette habitude ne m’a jamais quittée. J’ai fini par avoir tellement de cailloux, de bois, de métaux rouillés, de verres polis, glanés de ci de là, qu’un jour j’ai eu l’idée d’en faire quelque chose.»
Les derniers assemblages, intitulés «Démolitions», ont trait aux bouleversements urbains. Après tout, détruire, construire, c’est complémentaire, c’est même réversible : un enfant brise un jouet pour savoir comment il fonctionne, c’est une destruction pédagogique ; il improvise aussi bien un sabre ou un avion avec deux bouts de bois, c’est un jeu constructif. Le bricoleur trouve son bonheur dans les déchetteries, le touriste dans les ruines, le savant dans les failles de la théorie, le poète dans le désastre du sens : ressource paradoxale des décharges…
L’art de l’assemblage, c’est un désordre édifiant, précisément. «La pensée mythique, dit Lévi-Strauss, est bricoleuse, elle bâtit ses palais idéologiques dans les gravats d’un discours social ancien». La pensée artistique, de même, exploite des gisements improbables. Déjà la nature bricole, en recomposant autrement ce qu’elle défait. C’est ainsi qu’Emilienne Farny imagine des alternatives à notre environnement blafard en recueillant ses rebuts dans le lit des rivières, en les réassemblant à sa manière, et en les repeignant aux couleurs de l’utopie
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